histoire
Viens à moi petite.
Premiers mots. Incompréhensibles pour une enfant de six ans.
Un jour tu suivras mes pas, mon enfant.
Pas une seule fois tu n'as eu peur de cette voix que toi seule pouvait entendre. Ses intonations douces eurent bientôt raison du peu de méfiance qu'un enfant
peut avoir. Tu ne l'entends que très rarement, mais les fois où ça arrive, tu te sens tout de suite plus calme. Ca te déconnecte de la réalité, alors souvent,
tes parents ont eu peur que tu ne sois atteinte de quelque maladie étrange. Mais ils ont vite fini par mettre ton absence de réaction sur autre chose. Que tu
sois souvent dans la lune ou non, ça ne les empêchait pas de t'aimer.
Mais tu as grandi. Tu as fini par te poser plus de questions sur cette voix qui résonnait dans ta tête. Et les réponses étaient rares. Adolescente et têtue,
tu lui as même demandé de partir de ta tête. Que tu ne l'écouterais plus. Sa voix puissante a retenti dans ta pauvre caboche, entre rire et colère.
Tu crois pouvoir me dicter ma conduite ? Sois reconnaissante Ura ! Je t'ai choisie toi et pas une autre !
Ce furent les dernières paroles de cet être mystérieux.
...
Le jour de tes dix-huit ans, Oketopa t'a appelée à lui. Assez tardif quand on y pense, comme si tu ne ressentais pas le besoin de grandir. Avec les années de
discussion avec la voix, il avait fini par t'ouvrir les yeux. Les adultes sont tous pareils. Humains et Natifs, ils sont pervertis par quelque chose qui
s'épanouit en eux lors de la cérémonie ou quand ils se font greffer des parties de machines en eux. Tu ne voulais pas de cet Huritao. Mais son appel était trop
fort. Alors tu étais partie vers son repère, bien décidée à refuser ce pouvoir. Le plus difficile était d'atteindre là où se nichait le gardien. A cet époque,
les journées ne sont plus si longues. Et c'est à la lueur des lucioles que tu avais apporté que tu as terminé l'ascension, essoufflée et meurtrie par le froid.
Et c'est le aigu de sa corne qui avait trahi sa présence. Arrivé sur ta droite et dressé fièrement comme pour se moquer de toi.
Je ne veux pas de ton pouvoir !
Sur ces mots, tu avais fait demi tour.
Tu ne l'as pas entendu une seule fois, mais la lueur qui émanait de toi valait mille mots. Il t'avait tout de même offert un pouvoir.
...
Ce même pouvoir que tu utilises à présent lors de tes spectacles. Il ne te sert à rien à part apporter des étoiles danser dans les yeux des enfants. Et ça te
convient.
Après tout, tu es restée une grande enfant.